Page 132 - Rescapes_du _Gondwana
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1. Les quelques reliefs qui émergent de la glace sont les sommets des monts Sør Rondane, qui s’élèvent à plus de 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer. La couche de glace s’élève entre 100 et 200 mètres au-dessus du niveau
de la mer, et forme ainsi des pics émergeants isolés, appelés nunataks.
2. Cryptopygus sverdrupi, le seul collembole connu de l’Antarctique, constitue l’une des rares espèces animales à vivre dans des conditions aussi extrêmes. Il se nourrit probablement des plaques de lichens que l’on trouve sur la roche des
« nunataks » et possède des protéines antigel. On trouve cependant d’autres formes animales comme l’acarien en médaillon de l’image principale. On en connaît quatre espèces de cette région.
En 2009, une mission scienti que belge part pour l’Antarctique, plus précisément dans la sta- tion Princesse Élisabeth, au cœur des monts Sør Rondane dans le Dronning Maud Land. Cette équipe compte parmi ses membres Cyrille, qui a ainsi la chance de partir explorer de vastes éten- dues de glaces à la recherche du peu de vie qui s’y développe. Au cours de cette mission réali- sée dans des conditions extrêmes, il a pu récol- ter sur le terrain glacé Cryptopygus sverdrupi, seul collembole connu vivant dans des condi- tions aussi froides et inhospitalières. Les condi- tions sont rudes. L’équipement contre le froid (-40 °C) est fourni par l’expédition. Mais durant la nuit antarctique, la température sous la tente descend à -25°C ! De ce fait, et pour limiter au maximum les risques d’accident, tous les dépla- cements demandent une préparation minu- tieuse. En e et, quand le « grand blanc » s’ins- talle, on ne distingue plus le ciel de la terre. C’est un blanc uniforme qui ôte tout repère aux scien- ti ques. La seule orientation possible reste alors le GPS, sachant que les motoneiges ne passent pas partout. Durant cette mission extrême, Cyrille a e ectué plusieurs sorties sur le terrain, en motoneige, avec d’autres membres de l’équipe. Objectif, explorer plusieurs sommets des montagnes émergeant à travers les 800 mètres d’épaisseur de glace du continent blanc,
communément appelés nunataks et séparés entre eux de quelques dizaines de kilomètres. C’est en grattant di érents blocs rocheux de ces monts glacés que Cyrille a eu l’immense joie, et surprise, de débusquer des populations de Cryptopygus sverdrupi.
Après les premières analyses au laboratoire, on constate que le mélange des haplotypes (un ensemble de gènes situés côte à côte sur un chromosome et généralement transmis ensemble à la génération suivante) entre ces populations de Cryptopygus retrouvés sur les dif- férents nunataks montrent de rares évène- ments de dispersions avec une divergence génétique d’autant plus grande que les nuna- taks sont éloignés. Ces niveaux de divergence génétique témoignent de la persistance des populations de Cryptopygus sverdrupi dans des refuges glaciaires isolés à travers le Miocène et le Pliocène.
Il sera très intéressant, dans le futur, d’inclure l’espèce sverdrupi à une analyse avec d’autres espèces de Cryptopygus que nous avons récol- tés en Amérique du Sud, Tasmanie, Nouvelle- Zélande, Afrique du Sud, etc. Nous disposerons alors du premier modèle d’analyse biogéogra- phique du Gondwana incluant une espèce antarctique !
LES RESCAPÉS DU GONDWANA
ANTARCTIQUE
À LA POURSUITE DES INSECTES DU CONTINENT BLANC
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