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LES RESCAPÉS DU GONDWANA
1. Le collembole Microfalcula delamerei reste accroché à la surface inférieure des feuilles, grâce aux soies adhésives spécialisées qu’il a dévelop- pées au bout de ses pattes. Il n’en reste pas moins rapide dans ses déplacements.
2. Le collembole néo- calédonien Caledonimeria mirabilis est adapté à sa vie saproxylique (en symbiose avec la décomposition du bois mort), avec à la fois une morphologie aplatie pour se faufiler dans les crevasses du bois pourri et un corps hérissé de digitations
couvertes de soies sensorielles pour percevoir et « sentir » son environnement.
3. En Antarctique, le collembole Cryptopygus sverdrupi doit faire face
à des températures très basses. Pour y résister,
il s’est adapté en exploitant les propriétés cryo-protec- trices de la déshydratation, en sécrétant un sucre appelé tréhalose et des enzymes particulières.
membres de la mission. Cyrille e ectue alors son ascension, à la force des bras et des mollets, et s’installe à une quinzaine de mètres de hauteur pour rechercher « ses » collemboles. Premier ré exe, retourner délicatement les feuilles pour y débusquer les précieux insectes de taille milli- métrique. Et là, divine surprise ! Des dizaines de petits zestes jaune-vert, identiques à celui tombé du ciel quelques jours plus tôt, détalent dans toutes les directions ! Aucun doute possible, Microfalcula vit bien dans la canopée. Un demi- siècle après la découverte de cette espèce, le mystère est en n levé, au cœur de la réserve sud-africaine de Mkambati. Au premier coup d’œil, Cyrille est frappé par la vitesse à laquelle les Microfalcula se déplacent. Il s’agit même de l’un des collemboles les plus rapides observés par le chercheur. Autre particularité du minuscule insecte : la di culté à le faire tomber des feuilles par battage, due à sa capacité à s’agripper au végétal. Autre observation, Microfalcula n’est pré- sent que dans des arbres possédant des feuilles lisses et cireuses, comme les citronniers et les cus. Comment expliquer ces caractéristiques ?
Ce n’est que de retour au laboratoire du Muséum, et avec l’aide d’un microscope électronique, que Cyrille percera les secrets anatomiques des Microfalcula, expliquant leurs étonnantes apti- tudes. En e et, l’extrémité de leurs pattes montre des gri es de taillle reduite, organes sur lesquels ils s’appuient pour marcher. En revanche, les soies
présentes sur l’extrémité de chacune des pattes, au lieu d’être petites et de forme simple, comme sur la plupart des insectes, sont au contraire très développées, présentant une sorte de panache de soies légèrement spatulées à leur extrémité. Ces soies expliqueraient-elles l’étonnante capa- cité adhésive du petit Microfalcula ?
Au milieu des années 2000, plusieurs travaux ont été publiés sur les mécanismes d’adhésion des geckos, ou tarentes. Ces petits lézards se déplacent avec agilité aussi bien verticalement qu’horizontalement. Ils possèdent sous leurs doigts spatulés, non pas des ventouses comme on pourrait le croire, mais des lamelles adhésives. Observées au microscope, ces lamelles sont couvertes de bres souples dites sétules, ou soies, qui se rami ent en centaines de branches terminées par un organe en forme de spatule micrométrique. Des chercheurs ont montré que ce sont les forces dites de van der Waals, liées à des interactions électriques de faible intensité, qui permettent l’adhésion entre l’extrémité des soies et la surface. Or, c’est exactement ce que Cyrille a observé chez Microfalcula, résolvant, au passage, de nombreux mystères encore associés à cet insecte.
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