Page 201 - Rescapes_du _Gondwana
P. 201

UNE AVENTURE SCIENTIFIQUE AU CŒUR DU VIVANT
Installé confortablement dans une cabaña en Argentine, Cyrille, entouré des pièges de Berlèse qu’il a prélevés, examine les échantillons de la journée et note les informations
relatives à la collecte. Les pièges de Berlèse servent à piéger la faune du sol.
Nous voici parvenus au terme de notre long et passionnant voyage, à la fois dans l’espace et dans le temps. L’espace, ce sont les fragments de continents terrestres qui ont lentement dérivé depuis l’époque à jamais révolue du Gondwana, auxquels nous avons rendu visite en Afrique, en Amérique du Sud et en Océanie... Madagascar, Patagonie, Australie, autant de terres austères ou verdoyantes, escarpées ou vallonnées, qui portent chacune, tapis dans les sous-bois ou au sommet des grands arbres, quelques rares et précieux fragments de mémoire d’une vie qui foi- sonnait il y a des millions d’années. Les insectes que nous avons débusqués patiemment, n’hési- tant pas pour cela à grimper ou ramper dans la végétation, sont en e et les derniers descen- dants en date de la longue succession de géné- rations qui compose l’histoire de chaque espèce, et de ses dérivées successives. À ce titre, ils pos- sèdent dans leur génome, ainsi que dans la forme et la structure de leurs organes, des informations précieuses pour reconstituer l’histoire de leurs groupes en particulier, et de la vie en général.
Quant au temps, c’est à la fois celui, bien modeste à l’échelle de la vie sur Terre, des missions annuelles qui nous ont conduits au cœur de vastes forêts primaires ou d’étendues in nies de conifères, plus d’une décennie durant... Et celui, in niment plus long, de l’évolution des formes de vie, de la lente transformation des espèces et du déplacement des plaques et des masses conti- nentales, qui se compte en millions d’années. Notre exploration des blocs continentaux consti- tuant ce qui a été, jadis, le Gondwana a débuté il y a dix ans déjà. Et pourtant, nous sommes loin d‘avoir tout compris et observé des milieux que
nous avons investis, qui ne représentent eux- mêmes qu’une partie seulement de ce qui a existé.
Pour autant, nous avons à présent une bonne idée de la faune de certains des territoires visités. C'est le cas, par exemple, pour celle de Nouvelle- Calédonie. Plusieurs missions de terrain,  nan- cées par di érents programmes, ont en e et per- mis de nous concentrer sur ce territoire, qui a été isolé pendant plusieurs millions d’années. Madagascar a aussi fait l'objet de plusieurs mis- sions, et comme pour la Nouvelle-Calédonie, les prises de contact, l’établissement de collabora- tions et l’obtention des autorisations nécessaires ont été grandement facilités par une certaine proximité culturelle avec cette région.
Quant à l’Afrique du Sud, en raison d'une faune très originale, elle constitue un territoire clé pour la compréhension de l'évolution des lignées gondwaniennes. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion d’explorer la Namibie, à l’ouest, et le Mozambique, à l’est. Et pourtant, ces deux pays nous auraient certainement fourni des élé- ments importants pour notre recherche. Ainsi, le Mozambique, à mi-chemin entre Madagascar et l’Afrique du Sud, est sans doute un territoire dont l'exploration nous permettrait de mieux appré- hender les dispersions de faune dans toute cette région. Il serait donc intéressant de nous y rendre pour compléter nos investigations, à l’occasion de futures missions.
La Patagonie, qui concentre une grande partie des éléments gondwaniens de l’Amérique du Sud, s’est également révélée riche en
199
© SYNOPS ÉDITIONS 2017


































































































   199   200   201   202   203