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LES RESCAPÉS DU GONDWANA
Phylogénie d’un groupe d’Empis retraçant les
liens de parenté entre les espèces. Elle montre aussi comment deux sous- groupes d’espèces peuvent être apparentés alors que
l’un vit en Amérique du Sud et l’autre en Australie.
La biogéographie vise justement à rendre compte de ce type d’affinités, et de proposer des scénarios d’évolution expliquant les
répartitions entre espèces sœurs et néanmoins géographiquement éloignées.
Les Empidinae forment un groupe extrêmement diversi é, qui compte dix fois plus d’espèces que son groupe-frère. La sous-famille est divisée en deux tribus (Empidini et Hilarini), et occupe prin- cipalement les zones tempérées des deux hémisphères.
Les Empidinae se caractérisent par un comporte- ment reproducteur presque unique au sein du règne animal : après avoir collecté des proies de taille plus ou moins importantes, les mâles for- ment des essaims dans lesquels a lieu la ren- contre avec les femelles. Les proies sont o ertes aux femelles juste avant l’accouplement. En dehors de la période de reproduction, de nom- breux Empidinae, au moins tous ceux apparte- nant à la tribu des Empidini, sont  oricoles et la prise de nectar devient ainsi obligatoire. Ils visitent alors une grande variété de  eurs appartenant principalement aux groupes des Asteracées et des Rosacées. Les proies o ertes par les mâles apportent donc aux femelles  oricoles les proté- ines nécessaires à la maturation de leurs œufs. L’existence de fossiles, ainsi que des datations moléculaires préliminaires que nous avons e ec- tuées, indiquent une origine probable des Empidinae vers la  n du crétacé inférieur, il y a environ 100 à 120 Ma. Cette période correspond à la principale phase de diversi cation des plantes à  eurs, qui commencent à se répartir à travers toute la surface de la planète, y compris en rem- plaçant les conifères en tant qu’arbres dominants. Cela est cohérent avec l’hypothèse d’une co- évolution potentielle entre Empidinae et plantes angiospermes.
De plus, et comme nous nous y attendions, les groupes patagoniens et australiens sont étroite- ment apparentés, ce qui montre une origine à une époque où l’Australie et l’Amérique du Sud étaient reliées via l’Antarctique.
Citons par exemple le groupe Empis macrorrhyn- cha, qui possède des représentants dans toute la Patagonie, dans le sud-ouest et dans l’est de l’Australie (Victoria, Tasmanie). Cette lignée ne semble pas présente en Nouvelle-Zélande, qui s’est séparée du reste du Gondwana il y a environ 85 Ma. Cela signi e donc que ce groupe est appa- ru après cette séparation, donc au plus tôt il y a 85 Ma. De plus, nous avons récemment montré que ce groupe s’est principalement diversi é entre -85 et -35 Ma, au fur et à mesure de la frag- mentation du bloc Amérique du Sud – Antarctique – Australie. Mais aussi, au gré des nombreuses barrières géographiques qui se sont mises en place durant toute cette période dans cette région, telles que les mers épicontinentales qui ont sillonné l’Antarctique à diverses reprises, ou encore l’apparition progressive de la chaîne de montagnes trans-antarctique. Ces barrières ont sans aucun doute été à l’origine d’évènements de spéciation, c’est-à-dire d’apparition d’espèces nouvelles, indépendamment de la fragmentation du Gondwana. Pendant longtemps, l’Antarctique a donc été à la fois un lieu de passage entre l’Amérique du Sud et l’Australie, mais aussi un lieu de diversi cation important des lignées. Aux alentours de -35 Ma, l’Australie s’est complète- ment séparée de l’Antarctique. Les échanges de faunes entre les blocs continentaux se sont alors
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