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LES RESCAPÉS DU GONDWANA
Devant le premier grand arbre exploré par la mission en Nouvelle-Calédonie, Lionel s’apprête à lancer son petit sac en haut d’un énorme ficus, au moyen de
LE PREMIER ARBRE DES « GONDWANIENS »
sa fronde, ou « big shot ». La tension est palpable, car il s’agit d’un test dont le succès conditionnera la suite de la mission.
La première étape de la mission nous a conduits jusqu’aux monts Koghis. Nous n’oublierons pas les premières grimpes d’arbres, initiatiques, dans ces monts majestueux. Lionel Picart, le grimpeur, est sous pression : il faut que cela fonctionne ! Problème, la hauteur des arbres est bien supé- rieure à celle que l’on trouve en Europe, et les forêts tropicales n’o rent pas la même visibilité que nos forêts tempérées. Les lianes, les épi- phytes, la densité de la végétation, la hauteur, ne permettent pas toujours de bien voir où la corde d’accès à l’arbre est ancrée. Il a donc fallu que Lionel adapte les techniques « européennes » au milieu tropical.
Pour décrire la première grimpe, il faut commen- cer par le choix de l’arbre. Un beau cus fera l’af- faire. Il est gros, haut, il a l’air robuste et la visibili- té de son architecture depuis le sol est satisfaisante. Lionel a armé son « big shot », sorte de grande fronde qui permet de lancer un sac de 350 grammes attaché à un lin au plus haut de l’arbre. Un moment d’émotion saisit le groupe, car il s’agit du premier arbre d’une très longue série que nous aurons le plaisir de grimper, en Nouvelle-Calédonie et tout autour de la planète. L’opération réussit, non sans mal. Lionel doit en e et s’y reprendre à plusieurs fois avant que le
petit sac n’entraîne le lin autour d’une branche su samment grosse et su samment haute. Puis, il faut installer la corde d’accès. À cette époque, l’équipe dispose de grosses et lourdes cordes de 60 à 80 mètres de long et de 13,5 millimètres de diamètre, appelées « Ginkgo ». On les grimpait en « foot lock », à la force des mollets et des poi- gnets, avec un nœud autobloquant appelé « prussik » pour nous empêcher de chuter. Une technique plutôt physique, mais que toute l’équipe est heureuse d’utiliser pour le plaisir de la vue une fois parvenue au sommet. Du haut de cet énorme cus, on béné cie en e et d’un pano- rama imprenable sur la côte ouest, avec la baie de la Dumbéa qui se découpe en contrebas : un paysage magni que. Autre surprise, ce cus n’était pas seul, il s’agissait en fait d’une autre essence, étranglée par un cus avec une troi- sième essence qui poussait encore au sommet de la première ! Pourtant, nous n’avons pas beau- coup collecté dans cet arbre. La sensation intense de cette première grimpe a accaparé toute notre attention et nos moyens. Éric a cepen- dant battu les feuilles à proximité et Cyrille a grat- té quelques mousses et autres sols suspendus. Nous étions, en revanche, charmés et convaincus d’avoir là une méthode d’accès à la canopée prometteuse... Cela se con rmera par la suite !
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