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LES RESCAPÉS DU GONDWANA
L’objectif suivant est le mont Panié, culminant à 1 628 mètres, point le plus haut de Nouvelle- Calédonie. L’accès vers ce promontoire est long et pénible. Le sol est humide et glissant, le som- met est constamment dans la brume. Étant don- né le temps dont nous disposons et le poids des cordes, nous décidons de ne prospecter que les pentes du mont, sans atteindre le sommet. Au niveau du mont Panié, on est en e et bien loin de Nouméa. Il n’y a pas beaucoup d’aggloméra- tions aux alentours et les hébergements sont rares, tout comme les points de ravitaillement. Nous avons donc dormi sous la tente et sous la pluie.
Avant l’ascension dans la forêt d’altitude, il faut prendre soin de « faire la coutume », c’est-à-dire montrer patte blanche auprès des habitants de la région. Il s’agit pour cela de prévenir de nos pro- jets les tribus Kanaks qui vivent dans le secteur. On donne également la pièce en guise de droit de passage. Tout se passe très bien en Nouvelle- Calédonie, pourvu que l’on se plie aux traditions. Nous commençons notre ascension du sentier du mont Panié par un beau matin de mars. Il faut, avant d’avoir accès à la forêt primaire, traverser une zone déboisée, dite savane à Niaouli. Pour nous, traverser ces zones avant d’accéder à la forêt primaire posait un réel problème. C’est en e et le territoire de Wasmannia auropunctata, dite la fourmi électrique. Cette plaie des caféiers a en e et envahi la Nouvelle-Calédonie et fait fuir la faune locale. Elle a probablement été
Suspendu à trente mètres de hauteur, le grimpeur de la mission, Lionel Picart, découvre les joies de l’entomologie et de la collecte des insectes dans les arbres sur le mont Panié.
introduite accidentellement avant 1972. Elle est pourtant toute petite, mais on la trouve en grand nombre dans les zones anthropisées, c’est-à-dire investies et aménagées par les hommes. Le développement du café en Nouvelle-Calédonie en a sou ert. Les petits champs de café se sont en e et trouvés envahis par cette fourmi, qui injecte lors de la piqûre de l’acide formique. Quand on bouscule la végétation, on dérange alors les fourmis, qui se laissent tomber et vous piquent. Vu leur nombre, impossible de résister, et impossible de récolter le café à la main... là où les machines ne passent pas. Au mont Panié, il faut alors rester sur le sentier et surtout ne pas bousculer les Niaouli, arbres dans lesquels se cachent les terribles fourmis...
Le mont Panié se mérite donc. Mais quel ne fut pas le bonheur d’Éric et Lionel de trouver sur une liane grimpante une nouvelle espèce de tingides, à plus de trente mètres de hauteur dans les arbres. Une découverte synonyme d’émotion pour notre grimpeur... Dans l’euphorie du moment, Lionel en perd son aspirateur à bouche (avec lequel il aspire les insectes dans un petit  acon) qui chute de trente mètres, entraînant panique et désarroi de l’apprenti-entomologiste !
Heureusement, la végétation du sous-bois amortit le choc et Lionel retrouve son aspirateur à bouche, ainsi que les tingides qu’il contient ! L’espèce, nou- velle, sera décrite et baptisée Dicysta tristanopsi- dis en 2008.
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