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LES RESCAPÉS DU GONDWANA
La furca est un organe propre aux collemboles, qui leur sert à sauter. Les collemboles peuvent ainsi se propulser sur une distance équivalente à plusieurs dizaines de fois la taille de leur corps.
COUP DE PROJECTEUR
Des collemboles Caledonimeria mirabilis se déplacent dans un tronc pourri. Lors de la mission néo-calédonienne, les entomologistes ont récolté et séquencé plus de 140 spécimens de cette sous- famille, provenant de près de 50 localités.
Caledonimeria mirabilis constitue une espèce emblématique de l’endémisme de la Nouvelle- Calédonie. Seule espèce dans son genre, C. mirabilis a été décrite en 1962 par Delamare, Debouteville et Massoud. Elle appartient à la sous-famille des Uchidanurinae, groupe specta- culaire par la taille des individus (le plus grand collembole répertorié est un Holacanthella paucispinosa de 17 millimètres), l’ornementation tégumentaire (digitations, épines, lobes) et les couleurs. Le sud-est de l’Australie et la Tasmanie semblent être particulièrement riches en Uchidanurinae, et des travaux préliminaires ont
montré que c’étaient des animaux à très faible dispersion présentant un fort taux d’endémisme. Par ailleurs, ils forment un groupe ancien restreint aux forêts natives et sont donc un excellent modèle pour des études phylogéographiques, biogéographiques et même paléoclimatiques.
L’intérêt majeur de cette sous-famille pour les recherches en phylogénie des descendants du Gondwana est qu’elle présente une répartition gondwanienne et tempérée, localisée et diversi- ée, dans la zone Australie/Tasmanie/Nouvelle- Zélande/Nouvelle-Calédonie. Les Uchidanurinae sont donc potentiellement utiles pour distinguer les phases de diversi cation des formes vivantes liées à la fragmentation du Gondwana de celles liées à l’acquisition d’attributs clés lors de la modi- cation des milieux. En e et, ce groupe d’insectes dits saproxyliques se développe exclusivement dans les troncs pourrissants de forêts tempérées, et présente des digitations ou des lobes plus ou moins colorés dont l’utilité reste inconnue. On est frappé quand on voit ces animaux in situ de leur extraordinaire adaptation à la progression dans les « failles » humides et moisies du bois ( gure ci-contre). Les digitations et autres bosses pour- raient donc remplir un rôle sensitif lié à la saproxylie.
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