Page 54 - Rescapes_du _Gondwana
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La mission en Nouvelle-Calédonie a d’abord con rmé tout l’intérêt des techniques de grimpe d’arbre pour atteindre les hautes branches de la canopée et y collecter des insectes sans pertur- ber ces écosystèmes très fragiles. Un résultat important, car même si les collectes semblent moindres que celles obtenues par « fogging », la qualité des observations est bien meilleure.
La méthode de grimpe s’adapte bien au milieu tropical, même si elle demande à être améliorée pour la rendre plus accessible aux scienti ques. En particulier, elle a permis à Cyrille de découvrir de nombreux collemboles en canopée, ce que l’on ne soupçonnait pas auparavant.
Les deux dernières missions en Nouvelle- Calédonie, en incluant celle d’Éric en 2008, ont permis de collecter de très nombreuses espèces de tingides, parmi lesquelles la plupart étaient nouvelles pour la science. Les tingides étaient connues de Nouvelle-Calédonie par seize espèces : sept décrites occasionnellement jusqu’en 1956, neuf décrites à partir des « fog- ging » de 1992-1993. Les collectes des années 2000 ont porté le nombre d’espèces à 43 ! Ainsi, sur 43 espèces de tingides néo-calédoniennes recensées aujourd’hui, 79 % sont endémiques, et nombre d’entre elles ne se trouvent que sur des arbres ou des lianes. Il est intéressant de noter qu’il n’y a que trois espèces de tingides parta- gées avec l’Australie, et pas une seule avec la Nouvelle-Zélande. Mieux encore, les genres Nobarnus et Cephalidiosus sont endémiques uni- quement de Nouvelle-Calédonie. Une analyse de la répartition des Nobarnus montre que les espèces se sont diversi ées sur di érents sites, sans pour autant avoir changé de milieu. Il y a
donc un conservatisme de niche écologique entre elles. L’étude ne dit pas si les Cephalidiosus, groupe frère des Nobarnus, ont changé de niche écologique au cours de leur évolution. La quanti- té de données trop faible sur ce dernier groupe ne permet pas de tester l’hypothèse... L’ensemble Cephalidiosus-Nobarnus daterait d’environ 40 Ma. Le groupe se serait donc diversi é récemment après l’isolement de la Nouvelle-Calédonie du Gondwana. Cet événement serait contemporain de la  n de l’immersion de la grande île à la mi-Miocène. Le groupe se serait donc diversi é juste après la résurgence de la grande île. En revanche, d’autres espèces proches des groupes que l’on trouve en Australie (comme Eritingis et Dicysta) se seraient dispersées vers la Nouvelle- Calédonie au gré d’événements éoliens ou marins.
Le bilan global est donc largement positif et con rme tout l’intérêt de poursuivre l’exploration des « points chauds » de biodiversité hérités du supercontinent Gondwana. Pour autant, faire le tour de la Nouvelle-Calédonie reste relativement aisé, son île principale (Grande Terre) étant de petite taille. Qu’en est-il sur une île de taille bien supérieure ? Depuis la Nouvelle-Calédonie, déjà, nous pensions à une autre île, de taille bien supé- rieure, et dotée d’une richesse biologique et d’un taux d’endémisme exceptionnels, également menacée par l’action conjuguée de l’homme et des changements climatiques... C’était décidé, Madagascar serait la prochaine étape du périple des Rescapés du Gondwana.
LES RESCAPÉS DU GONDWANA
BILAN SCIENTIFIQUE
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© SYNOPS ÉDITIONS 2017


































































































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