Page 92 - Rescapes_du _Gondwana
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Au cours de cette mission riche et bien remplie, nous avons parcouru plusieurs parcs naturels répartis sur une part importante du territoire néo-zélandais, du nord à Coromandel, au sud jusqu’à Pelorus Bridge, dans le nord de l’île du sud. Nous ne sommes pas descendus plus bas dans le sud de la Nouvelle-Zélande. Si les pay- sages et les forêts y sont magni ques, le climat y est plus froid et on a peu de chance de trouver les espèces que l’on cherche. Et, de toute façon, le temps nous manque. Pour l’essentiel, nous avons évolué dans des forêts de Nothofagus et de Podocarpes, de grands arbres aux fûts droits et peu branchus. Il s’agit de forêts très humides, avec quelques épiphytes dont le genre Astelia. Ce genre forme des bouquets de longues feuilles. On les trouve autant en sous-bois, au sol, que sur les arbres à vingt mètres de hauteur. C’est dans ces plantes que nous avons découvert Tanybyrsa cumberi, le seul tingide de Nouvelle-Zélande que l’on trouve sur les plantes. Cette espèce est endé- mique de l’île.
Si la recherche de tingides en Nouvelle-Zélande est plutôt monotone, celle des aradides l’est beaucoup moins. En e et, les tingides ne sont représentés que par quatre espèces dont une seule est aérienne. Les trois autres se trouvent au sol ou sur des racines. Il faut donc un piégeage massif pour espérer trouver seulement un ou deux individus !
Quant aux aradides, il s’agit de punaises très plates, qui vivent sous l’écorce des arbres quand le bois est mort. Elles sont mycétophages, c’est- à-dire qu’elles consomment des champignons. Il existe trente-huit espèces connues en Nouvelle- Zélande parmi lesquelles trente-sept sont endé- miques ! Nous avons donc passé l’essentiel du
temps à éplucher le bois mort à la recherche de ces petites bêtes, que ce soit au sol ou en cano- pée... Et nous en avons trouvé beaucoup, dix-sept espèces au total.
Concernant le Gondwana, ce n’est malheureuse- ment pas Tanybyrsa cumberi qui nous apportera des informations sur l’origine des Tingidae. Cette espèce est en e et appariée à des espèces récentes sur les premières phylogénies, ou arbres généalogiques basés sur les informations géné- tiques et anatomiques que nous avons réalisées. Elle est donc probablement néozélandaise par migration à partir d’une autre terre proche (Australie, Nouvelle-Calédonie ?). En revanche, pourquoi est-elle la seule qui ait traversé l’océan pour vivre en Nouvelle-Zélande ? Nous n’avons pas de réponse pour l’instant. On peut néanmoins suspecter le rôle joué par les conditions clima- tiques plutôt extrêmes en Nouvelle-Zélande, par rapport aux terres environnantes.
En revanche, les espèces du sol, rares et qu’on n’a pas récoltées, nous auraient bien aidés dans notre étude. En e et, elles appartiennent toutes à la sous-famille des Cantacaderini, sœur des Tingini... Et donc à la base des Tingidae. Ces espèces ont une répartition restreinte et sont endémiques de la Nouvelle-Zélande. Il y a de fortes chances que ces espèces soient sœurs de celles que l’on trouve en face, en Australie. Il est possible qu’elles se soient di érenciées par vica- riance au moment de la séparation des conti- nents, c’est-à-dire par simple isolement passif des populations ancestrales entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
LES RESCAPÉS DU GONDWANA
BILAN SCIENTIFIQUE
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© SYNOPS ÉDITIONS 2017


































































































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