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BIOLOGIE
totalement méconnus à ce jour, et qui ouvrent des fenêtres d’étude nouvelles sur la vie et ses origines ».
Ainsi, les biologistes ont montré que Mollivirus, détecté dans le même échantillon de permafrost que Pithovirus, se présente comme une coque oblongue de 0,6 micromètre
de long renfermant un génome de 650 000 paires de bases codant pour plus de
500 protéines. « Or, pour la plupart, les protéines de Mollivirus n’ont aucune ressemblance
« Chaque nouveau virus géant nous émerveille, car
il pose autant de questions qu’il en résout. Nous mettons en évidence des processus biochimiques, à la base du fonctionnement de tous les organismes vivants, encore totalement méconnus
à ce jour, ouvrant des fenêtres nouvelles sur la vie et ses origines. »
avec celles de Pithovirus, qui vivait lui aussi
il y a 30 000 ans », analyse Jean-Michel Claverie.
En terme de forme, de mode de réplication et métabolisme, il représente donc une famille entièrement nouvelle de virus, jamais observée auparavant. Ces découvertes laissent présager l’existence d’une diversité, insoupçonnée jusqu’alors, de multiples familles de virus géants. Elles posent, au passage, des questions épineuses : « Comment expliquer l’existence de virus possédant des centaines de gènes quand la plupart n’en n’ont que quelques dizaines voire moins ? Comment expliquer qu’une énorme fraction des protéines codées par leur génome - jusqu’à 90% - n’a aucune similarité avec celles d’autres organismes vivants (plantes,
animaux, bactéries) ? », pointent Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie. Pour répondre à ces interrogations existentielles, qui ne cadrent pas avec les scénarios classiques expliquant l’origine de la vie et son évolution, les chercheurs provençaux étudient les échantillons
de permafrost parvenus à Marseille via Grenade, et remontant cette fois à un million d’années.
Ils lancent, au passage, une mise en garde solennelle : « Nos travaux démontrent
la capacité inattendue des virus, géants mais pas seulement, à survivre sur de longues périodes dans le permafrost. Quelques particules virales encore infectieuses peuvent être suf santes, en présence de l’hôte sensible, à la résurgence de virus potentiellement pathogènes dans les régions arctiques ». Risque d’autant plus sensible que ces régions sont convoitées pour leurs ressources minières et pétrolières, dont l’accès est facilité par le changement climatique. Les autorités sanitaires des pays concernés seraient avisées de ne pas prendre cette menace à la légère. En août 2016, une hausse inhabituelle des températures dans la région de Iamalo-Nénétsie, à 2000 km au nord-est de Moscou,
a entraîné la fonte du permafrost sur une profondeur exceptionnelle. Libérant, au passage, des spores du bacille anthracis, ou anthrax, normalement prisonnier dans la glace. Bilan : 20 personnes infectées, toutes membres d’une tribu nomade, et un décès, celui d’un enfant atteint de la forme intestinale de la maladie. ◊
Référence In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y-old giant virus infecting Acanthamoeba. PNAS, 7 septembre 2015.
Laboratoire Information génomique et structurale (IGS), Institut de microbiologie de la Méditerranée (IMM), AMU/CNRS