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Echantillon de perma- frost sibérien dans lequel sont conservés des paléo- virus géants.
Le virus Pithovirus sibericum mesure 1,5 micron de long pour un diamètre
de 0,5 micron, ce qui en
fait le plus gros virus jamais découvert.
Chercheurs :
Chantal Abergel, Directeur de Recherche CNRS, jean-Michel Claverie, Professeur/Praticien hospitalier AMU/APHM
BIOLOGIE 31
grammes de permafrost ont une valeur scienti que inestimable, car ils conservent des micro-organismes endormis depuis des millénaires. Et, en particulier, des virus géants, d’un genre nouveau.
Connus depuis une dizaine d’années, avec la découverte en 2003 de « Mimivirus », ces organismes sont de grandes dimensions (de l’ordre du micromètre), ce qui les rend visibles au microscope optique. « Mais surtout, poursuit Chantal Abergel qui les étudie inlassablement à l’IGS, ils possèdent un génome beaucoup plus long et complexe que les virus habituels, de l’ordre du million de paires de bases ». En 2013, c’est au tour des « Pandoravirus » d’être mis en évidence, dans des échantillons d’eaux du Paci que chilien et d’un étang d’eau douce australien. Ces derniers se caractérisent par des génomes encore plus grands que ceux de « Mimivirus », de l’ordre de deux millions de paires de bases. Avant que, en 2014 et 2015, les chercheurs de l’IGS ne révèlent coup sur coup l’existence de deux nouveaux « super virus », « ressuscités » du permafrost sibérien et baptisés respectivement Pithovirus sibericum et Mollivirus sibericum.
Ces deux découvertes majeures, qui enrichissent la famille des virus géants, sont
le résultat d’une recherche de longue haleine, faisant appel à plusieurs techniques
de pointe. Pour mettre en évidence les nouveaux virus, il a tout d’abord fallu que des scienti ques du laboratoire de cryologie du sol de Puschino, près de Moscou, extraient des fragments de terre gelée du sous-sol sibérien. Puis, une fois ces échantillons
de quelques grammes réceptionnés au laboratoire marseillais, les biologistes
y ont patiemment recherché la présence des micro-organismes, endormis depuis
30 000 ans. Leurs génomes (ADN) sont ensuite ampli és a n de pouvoir les séquencer et les caractériser dans leurs moindres détails. « Pour isoler et étudier « Mollivirus », nous avons utilisé pour la première fois simultanément les différentes techniques d’analyse du vivant que sont la génomique, la transcriptomique, la protéomique et la métagénomique », souligne Chantal Abergel. L’apport de la bioinformatique, c’est-à-
dire l’analyse de l’information biologique faisant appel à des moyens de calculs puissants, dont Jean-Michel Claverie est l’un des pionniers à l’échelle mondiale, constitue un point fort des études conduites à l’IGS.
Ce patient travail d’enquête a permis aux chercheurs de comparer les virus entre eux, et de caractériser leur mode d’infection des organismes cibles comme les amibes du genre acanthamoeba. « Chaque nouveau virus géant nous émerveille, car il pose autant de questions qu’il en résout, reprend la chercheuse.
En décortiquant les fonctions des centaines de protéines que comporte leur génome, nous mettons en évidence des processus biochimiques, à la base du fonctionnement de tous les organismes vivants, encore
© IGS, UMR7256 CNRS-AMU © Philippe Psaïla