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OCéANOLOGIE-GéOSCIENCES
Abruzzes). Siège, en 1915, d’un séisme historique particulièrement meurtrier (magnitude 7, 30 000 victimes), et de celui de l’Aquila en 2009. Un travail pénible, très physique, et de longue haleine. « Après avoir reconnu et localisé les failles grâce aux images satellitaires et aux cartes géologiques, il nous a fallu identi er de visu, au terme de marches parfois fastidieuses, les escarpements rocheux propices à notre recherche : suf samment nets, non érodés, à la fois raides et lisses », évoque Isabelle Manighetti. Puis les chercheurs, progressant en rappel depuis le sommet des parois sélectionnées, ont découpé à la disqueuse des blocs rocheux au sein des plans de faille exhumés. Au total, ce sont un millier d’échantillons extraits d’une dizaine de failles du bassin de Fuccino qui ont ainsi été
« Une avancée scienti que d’autant plus majeure que ces résultats révèlent des caractéristiques intrinsèques au rythme d’apparition
des forts séismes, riches d’enseignements. »
prélevés, avant d’être réduits en poudre et analysés dans le spectromètre par accélération ASTER du CEREGE d’Aix-en-Provence.
Publiés entre 2008 et 2013, les conclusions de l’étude sont scienti quement riches, et porteuses d’informations primordiales pour notre connaissance des forts séismes. « Tout d’abord, nous avons développé un protocole
de modélisation des mesures de concentration en 36Cl dans les roches de failles exhumées sismiquement,
à disposition désormais de la communauté internationale et largement exploité depuis. Nous avons aussi mis au point une autre méthode chimique, basée sur l’analyse
des “Terres Rares”, complémentaire de la première », détaille lsabelle Manighetti.
Mais surtout, le dosage du chlore cosmogénique a permis de documenter précisément plus de 30 forts séismes survenus au cours des 15 000 dernières années, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Une avancée scienti que d’autant plus majeure que ces résultats révèlent des caractéristiques intrinsèques au rythme d’apparition des forts séismes, riches d’enseignements : « Chaque faille a rompu lors de phases paroxystiques au cours desquelles trois ou quatre forts séismes se sont produits en cascade sur un temps très court, durant au plus quelques centaines d’années, suivies de périodes plus calmes et plus longues, sans fort séisme durant des millénaires. De plus, nous avons montré que ces grappes de forts séismes, ou épisodes paroxystiques, se sont produites de façon synchrone sur toutes les failles étudiées dans la région, pourtant distantes de plusieurs dizaines de kilomètres ». En n, les résultats de cette étude novatrice, malheureusement abandonnée à l’heure actuelle en France faute de continuité dans son nancement, indiquent pour
la première fois une relation entre le niveau de déformation auquel est soumis une faille à un instant donné, et la date et la magnitude du prochain fort séisme sur cette faille.
« Nous avons ainsi identi é les failles de la région d’étude les plus susceptibles de rompre dans les prochaines décennies à siècles, en précisant l’ordre de grandeur de leur date d’occurrence et de leur magnitude ». Autant d’informations majeures, qui prennent
un relief particulier au regard de la tragique actualité. ◊
1 GEOAZUR (Nice), ISTERRE (Grenoble), CEREGE (Aix-en-Provence),GEOSCIENCE Montpellier, IPGP (Paris).
Référence EarthquakesynchronyandclusteringonFucinofaults(CentralItaly)asrevealed from in situ Cl-36 exposure dating, Journal of Geophysical Research, 2013.
Laboratoire Géoazur,CNRS/IRD/OCA/UCA