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40 SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
« Il est important que les juristes s’engagent dans le débat sur le climat, fassent des propositions concrètes et rendent visible le rôle du droit dans la lutte contre
le réchauffement. »
montrent l’intérêt pour les États et les entreprises d’agir au plus vite avant de risquer des condamnations qui pourraient ternir leur image ». Les grands groupes multinationaux ont déjà intégré ce facteur climat dans leur fonctionnement, et mettent en place leurs propres outils de régulation, souligne la chercheuse, en conditionnant par exemple les contrats qui les lient à leurs sous-traitants dans les pays du sud au
respect de certaines normes d’émissions de carbone.
Pour accompagner et faciliter cette tendance de fond, qui fait suite à plusieurs décisions
de justice reconnaissant à la nature un statut de victime, Mathilde Hautereau-Boutonnet a récemment dirigé la rédaction, avec plusieurs collègues spécialistes de droit de l’environnement, d’un important dossier intitulé Quel droit face au changement climatique ?. Un texte publié en novembre 2015 dans la revue de référence des juristes, le Recueil Dalloz. « à l’approche de la COP 21 organisée à Paris, il nous a semblé important que les juristes s’engagent davantage dans le débat sur le climat, fassent
des propositions concrètes et rendent visible le rôle du droit dans la lutte contre le réchauffement. Pour cela, nous avons adopté avec mes collègues une approche globale, nourrie de l’apport de plusieurs spécialistes. Nous nous sommes donc intéressés aux droits et aux devoirs des entreprises, des États, des experts, des institutions  nancières, et plus seulement au seul droit international, qui était traditionnellement consulté pour aborder
la question climatique », détaille la chercheuse. Le résultat de ce travail pluridisciplinaire, largement diffusé auprès des acteurs internationaux intéressés par la question, consiste
en plusieurs analyses croisées de ce droit climatique en émergence. Mais surtout, il se conclut par quatre séries de propositions concrètes pour un « droit au secours du climat ». Considérant que ce dernier «in uence les conditions de vie de l’humanité » et que
« le droit peut favoriser la mise en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique », le texte propose ainsi de : « renforcer la gouvernance climatique internationale » ; « promouvoir le  nancement des politiques climatiques » ; « renforcer les mesures de lutte contre le changement climatique des États et des entreprises » ;
et, en n, « reconnaître le principe de responsabilité climatique ». Sur ce dernier point,
qui fait écho aux récentes décisions de justices, les auteurs recommandent que soit admise la responsabilité des États et des opérateurs privés « en cas d’actions mettant en danger
le climat ». Ils appellent en n de leurs vœux, entre autres, une convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus aux changements climatiques, et un fonds international d’indemnisation des victimes. Alors, verra-t-on un jour l’avènement d’une cour pénale internationale du climat, à l’instar de celle créée en 1998 pour les délits de génocide, de crime contre l’humanité et de guerre ? L’avenir nous le dira, mais la prise en compte croissante du risque climatique dans le bien-être des sociétés, et la mobilisation de nombreux acteurs civils, parmi lesquels les juristes engagés pour le droit au climat, incitent à l’optimisme. ◊
Référence « Quel droit face au changement climatique ? », Recueil Dalloz, 12 nov. 2015. Laboratoire Droits International, comparé et européen (DICE), AMU/CNRS/Université de Pau/Université de Toulon


































































































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