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44 PRéHISTOIRE-ARCHéOLOGIE
leur séparation et leur comptage. Appliquée au cas d’Alexandrie, cette approche trans- disciplinaire, alliant questionnement archéologique et physique nucléaire, a tenu toutes ses promesses. « Les analyses du plomb dans les sédiments datés au carbone 14 du port antique marin montrent des quantités croissantes de plomb portant l’empreinte isotopique d’activités humaines depuis l’occupation grecque, avec un pic vers
200-300 ans après J.-C., con rmant les données archéologiques et historiques quant au développement économique et à l’extension de la ville, révèle Alain Véron. Mais surtout, les signatures isotopiques décelées dans des sédiments encore plus anciens prélevés dans la baie d’Alexandrie suggèrent l’utilisation de métaux, et donc l’existence d’une activité humaine développée, vers 900-1000 ans avant notre ère, pendant l’âge
Alain Véron détecte les isotopes du plomb dans des sédiments pour retracer les occupations humaines anciennes.
..du fer, soit plus de 500 ans avant la création connue de la ville ». Ainsi, l’analyse isotopique a permis la résolution de l’énigme d’Alexandrie, et con rmé les écrits de Strabon. Suite à ces révélations, publiées en 2006 et dont le retentissement auprès de la communauté scienti que et le grand public a été mondiale, les chercheurs ont effectué des analyses isotopiques dans des sédiments plus anciens encore, datant de l’âge du bronze, dans la baie d’Alexandrie et dans la lagune de Mariout, façade portuaire lacustre de la cité antique située quelques kilomètres à l’intérieur des terres. « Ces analyses dévoilent des empreintes de minerais de plomb et de cuivre signi cativement différentes de celles des sédiments provenant du Nil, et suggèrent une occupation de ces sites, baie d’Alexandrie et abords de la lagune de Mariout, entre 2000 et 4000 ans avant J.-C., c’est-à-dire à une période très ancienne où aucun artéfact archéologique n’a encore été trouvé à Alexandrie », souligne le chercheur. De plus, les « empreintes isotopiques » des sédiments suggèrent, même si ce résultat est à considérer avec plus de prudence que les précédents, que les minerais employés par les premiers métallurgistes d’Alexandrie, il y a 6000 ans, provenaient de Turquie, de Chypre et de Crète. Attestant, si besoin était, de l’extrême précocité des échanges humains, maritimes et commerciaux qui ont caractérisé le bassin méditerranéen. Ces résultats, essentiels pour comprendre la chronologie et la dynamique des occupations humaines, ont été depuis con rmés dans d’autres ports antiques méditerranéens à Fréjus, Marseille et Sidon au Liban. Avant qu’Alain Véron, suivant inlassablement la piste du plomb, ne se tourne vers l’Iran et la cité antique de Persepolis, dont il tente actuellement de percer les secrets. ◊
1 Cette étude a été  nancée par l’ANR (PALEOMED), le Supreme Council of Archaeology of Egypt et le Centre d’Études Alexandrines.
Référence A6000-yeargeochemicalrecordofhumanactivitiesfromAlexandria(Egypt). Quaternary Science Reviews, 81, 138-147, 2013.
Laboratoire Centreeuropéenderechercheetd’enseignementengéosciences
de l’environnement (CEREGE), AMU/CDF/CNRS/IRD
© Philippe Psaïla


































































































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