Page 213 - Rescapes_du _Gondwana
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UNE AVENTURE SCIENTIFIQUE AU CŒUR DU VIVANT
La phylogénie des Triacanthella, un genre
de collembole, permet de retracer les liens de parenté entre les espèces et met en évidence leurs affinités géographiques.
En remontant le long de la phylogénie, on peut émettre des hypothèses quant à la répartition géographique de
chaque ancêtre commun, représenté par les nœuds qui connectent les espèces ou les groupes d’espèces entre eux. Par exemple, on observe au milieu de cette phylogénie deux espèces appartenant au même groupe, dont l’une vit en Patagonie et l’autre en Afrique du Sud. La datation
moléculaire dira si leur ancêtre commun vivait dans la région formée
par les pointes sud de l’Amérique et l’Afrique avant la fragmentation
du Gondwana, ou s’il vivait dans l’une de ces régions après la fragmentation.
et même paléo-climatiques. Par ailleurs, ce groupe est très fragile et sensible au changement climatique, et beaucoup de ses espèces risquent de disparaître dans les décennies à venir. L'intérêt principal de cette sous-famille tient au fait qu'elle présente une répartition gondwanienne et princi- palement tempérée, qui est à la fois plus localisée que celle des Triacanthella, et plus diversi ée dans la zone Australie - Tasmanie - Nouvelle-Zélande - Nouvelle-Calédonie. De plus, les Uchidanurinae sont potentiellement utiles pour distinguer les phases de diversi cations dues à la fragmentation du Gondwana et celles liées à l'acquisition d'attri- buts-clés en adaptation à la modi cation des milieux. Nos travaux semblent prouver que les Uchidanurinae ne sont pas un groupe « naturel » ou homogène, mais qu’ils constituent plutôt un assemblage de plusieurs lignées aux histoires évolutives séparées. Les auteurs qui nous ont pré- cédés les ont rangés dans la même sous-famille du fait de leurs adaptations morphologiques à la vie saproxylique (dans les troncs pourrissants). Il s’agirait donc de convergences évolutives, c’est- à-dire que sous la pression du milieu, plusieurs lignées se seraient adaptées indépendamment les unes des autres, mais en adoptant les mêmes stratégies et le même type de morphologie. Quant à la phylogénie du genre Triacanthella, appartenant aux collemboles, elle est actuelle- ment en cours d'étude, sur des bases à la fois morphologiques et moléculaires. Elle montre, d'ores et déjà, que l'ensemble des espèces euro- péennes de ce genre constitue un groupe-frère
et n’empêchait pas l’apparition de nouvelles espèces- lles de celles ayant adopté ce mode de vie. Nous avons aussi montré que les espèces occupant des environnements hostiles se trou- vaient presque exclusivement dans l'ancienne Laurasie (l’autre super-continent, au nord, et alter ego du Gondwana), constat que nous avons confronté à l'hypothèse selon laquelle les envi- ronnements passés étaient plus hostiles en Laurasie qu'au Gondwana.
Les Uchidanurinae constituent un groupe de col- lemboles spectaculaire de par la taille des indivi- dus (le plus grand collembole répertorié est un Holacanthella paucispinosa d’une longueur de 17 mm), par l'ornementation de leur peau (digita- tions, épines et lobes) et par leurs couleurs. Le statut des Uchidanurinae au sein des Neanuridae reste discuté. C'est un groupe inféodé aux troncs pourrissants dans des forêts anciennes, que l’on trouve dans les zones tempérées et tropicales du Gondwana. Sa diversité a été largement sous- estimée, avec un grand nombre d'espèces res- tant encore à découvrir. Le sud-est de l'Australie et la Tasmanie semblent constituer des régions particulièrement riches en Uchidanurinae, et des travaux préliminaires ont montré qu’il s’agit d’animaux à très faible dispersion, présentant un fort taux d'endémisme et même de micro- endémisme. Par ailleurs, ils forment un groupe ancien et restreint aux forêts primaires, et constituent donc un excellent modèle pour des études phylo-géographiques, biogéographiques
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