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MéDECINE-SANTé Chercheur : Patrick Collombat, Directeur
de recherches INSERM
« En rouge, voici les « cellules β », situées dans les « îlots de Langerhans »
du pancréas et chargées de fabriquer naturellement de l’insuline, cette hormone indispensable qui régule le taux de glucose dans le sang... Vous les voyez bien ? » Lorsqu’il vous reçoit dans son laboratoire de génétique du diabète, situé au cœur du magni que Parc Valrose sur les hauteurs de Nice, le docteur Patrick Collombat se mue naturellement en professeur intarissable sur ses travaux. Et de poursuivre le cours
de biochimie et médecine, stylo en main pointant les tâches colorées visibles sur l’écran connecté à un microscope : « Chez les diabétiques de type 1, une maladie auto-immune, ces cellules sont détruites par une sorte d’erreur de l’organisme. Du coup, ces personnes ont trop de sucre dans le sang, qui devient alors visqueux et circule mal... entraînant des complications, entre autres, au niveau des reins et des yeux. Et maintenant, regardez ces cellules colorées en vert, toujours dans le pancréas : on les appelle « cellules α », et elles sécrètent une autre hormone, qui produit l’effet opposé de l’insuline en augmentant
le taux de sucre dans le sang ». Or, en activant chez la souris un gène baptisé Pax4, l’équipe de Patrick Collombat a réussi à induire la transformation des cellules α en cellules β, ce qui a constitué une première mondiale publiée en 2013... et représente un
vidéo
« Potentiellement,
la découverte est extraordinaire car elle pourrait permettre, à l’horizon de la prochaine décennie, un traitement du diabète de type 1. »
formidable espoir pour les malades. « Sous l’effet de cette manipulation, les cellules vertes α, détournées de leur fonction initiale, deviennent rouges et acquièrent les caractéristiques biologiques des cellules β rouges, sécrétant de l’insuline et régulant le taux de sucre sanguin ». L’enthousiasme est palpable dans les mots du scienti que, qui énumère les effets positifs de cette manipulation, ingénieuse et brillante, du génome
des cellules pancréatiques : « elle induit un cercle
....biologique vertueux, qui supplée tout d’abord les cellules manquantes en cas de diabète, puis entraîne la fabrication de nouvelles cellules
α suite à leur baisse consécutive à leur transformation, et ainsi de suite... Cette régénération de toutes les cellules β peut être induite au moins trois fois ». L’enjeu
des recherches menées par l’équipe, très cosmopolite, que dirige Patrick Collombat est considérable. Le diabète, maladie due à l’excès de sucre sanguin, est en effet une véritable épidémie dans les pays industrialisés. En France, 3,5 millions de personnes sont touchées, dont 500 000 qui l’ignorent, et 5% de nouveaux malades chaque année.
La maladie touche, outre le cœur et les yeux (première cause de cécité), les reins,
(23 000 personnes en dyalise), les dents et les pieds, entraînant plaies et amputations. La forme de diabète la plus directement concernée par les découvertes réalisées à Nice est celui dit de type 1, ou insulinodépendant. Les cellules β pancréatiques étant détruites, l’insuline naturelle manque, et doit alors être compensée par des injections, régulières et fastidieuses. Et malgré ce traitement palliatif, la maladie évolue car le taux de glucose ne peut pas être contrôlé entièrement, du fait de variations dans la journée liées aux repas et à l’activité physique. Alors, la manipulation génétique presque miraculeuse mise au point par Patrick Collombat et ses collègues, aboutissement