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UNE AVENTURE SCIENTIFIQUE AU CŒUR DU VIVANT
Indonésie, qui a entraîné un important refroi- dissement global. Notre espèce apparaît donc aujourd’hui comme beaucoup plus fragile qu’il n’y paraît.
Or, nous pourrions bien être à l’aube d’une nou- velle extinction de masse dont l’origine serait, cette fois, l’activité de l’homme lui-même. En e et, depuis le Néolithique, il y a environ 5 000 ans, avec l’invention de l’agriculture et la domestication, l’homme a commencé à modi er son environnement. Cette modi cation s’est accélérée à partir de la révolution industrielle et plus tard par des pratiques agricoles intensives : déforestation, gaz à e et de serre, pollution de l’environnement (pesticides), dont la consé- quence est une fragmentation ou disparition des habitats d’origine, un réchau ement climatique, et la présence dans les eaux et dans les sols d’un nombre incalculable de molécules de synthèse et de déchets.
Même s’il est di cile de documenter les extinc- tions en cours, certains pensent que le rythme d’extinction actuel est 1 000 fois plus important que ce qu’il serait sans l’impact humain. Le constat concernant les populations animales et végétales est particulièrement alarmant, et peut se résumer en quelques chi res : les forêts pri- maires ne représentent plus que le tiers de la super cie forestière de la planète, 40% des amphibiens et 25 % des mammifères sont mena- cés de disparition, et les invertébrés, notamment les insectes, déclinent à un rythme inégalé comme cela ne s’était probablement jamais pro- duit depuis la dernière grande extinction.
Dans ce contexte, il devient crucial de tenter de modéliser l’évolution potentielle des populations. Nous sommes capables aujourd’hui de modéliser l’évolution de la répartition des espèces en fonc- tion de l’évolution du climat, par exemple. Pour
cela, on utilise des approches de modélisation de niches écologiques combinant les données de distribution actuelle, obtenues grâce aux inven- taires que nous réalisons aux quatre coins de la planète, avec les données climatiques actuelles et futures, obtenues via les di érents scénarios d’évolution du climat publiés par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Nous avons ainsi modélisé la répartition future de certaines des espèces que nous étudions à Madagascar, sur la base des missions de col- lectes que nous avons e ectuées. Ces modélisa- tions montrent, dans la majorité des cas, une dif- férence notable de la répartition des espèces entre aujourd’hui et la  n du XXIe siècle : certaines espèces voient tout simplement leur aire de dis- tribution disparaître, alors que d’autres, plus chan- ceuses, s’adapteront en modi ant leur répartition, par migration. Certaines pro teront même du changement climatique pour proliférer et devenir des envahisseurs ou des ravageurs. Dans tous les cas, nous assistons bien à une perte considérable de biodiversité. Et il ne s’agit là que de modélisa- tions au regard du changement climatique, qui ne prennent pas en compte la fragmentation et la destruction des habitats, ou encore les pol- lutions diverses.
Jusqu’à la période néolithique, l’homme pouvait se considérer comme une espèce parmi d’autres, intégrée au monde vivant terrestre. Puis, avec la domestication et l’agriculture, il s’est comme extrait de ce réseau, pour tenter de dominer l’en- semble du monde vivant. En quelques milliers d’années, Homo sapiens a considérablement modi é son environnement, à tel point que des dangers pour sa propre existence commencent à apparaître. Le déclin des pollinisateurs, par exemple, est actuellement un sujet de préoccu- pation majeur tant d’un point de vue scienti que
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